
Le cratère de Chicxulub.
Dans les années 1980, les géologues du monde entier découvrent une strate d'argile noire de seulement quelques mm, systématiquement entre les strates du crétacé et celles du tertiaire, en diverses régions du globe. Ce constat implique un phénomène d'ampleur planétaire.
Cette strate d'argile noire se révèle riche en iridium (100 fois la valeur courante), un élément rare sur terre mais abondant dans certaines météorites. Pour Luis Alvarez (physicien), son fils Walter Alvarez (géologue), Frank Asaro (chimiste) et Helen Vaughn Michel (archéologue), une seule explication possible : la chute d'une météorite massive il y a environ 66 millions d'années (c'était un mardi, à 3 jours près 🤣). Il ne reste plus qu'à trouver un cratère correspondant à la puissance de l'impact. Parce que jusqu’alors : point de cratère !
Dans les années 1990, des forages pétroliers offshore sont pratiqués dans la péninsule du Yucatán.

Et vous savez quoi ? non seulement l'étude sismique du site révèle un cratère géant : 180 km de diamètre 😲 ! (à demi sur les terres et dans l'océan) mais les carottes d'échantillons remontées du sous-sol se révèlent saturées en quartz choqués (ayant subi d'intenses pressions suite à un violent impact), en microscopiques diamants et zircons (eux aussi créés sous fortes pressions), en tectites (silicates fondus produits par une température extrême) et en magnétites nickélifères (minéraux dont l'apparition est souvent liée à la rentrée atmosphérique d'une météorite riche en nickel). Si toutes ces preuves ne vous ont pas convaincu, ajoutons la présence de grès sur le pourtour du golfe du Mexique, entre les couches tectites et iridium, signe d'un énorme raz de marée produit par l'impact.

L’impact (plusieurs milliards de fois la bombe d'Hiroshima) aurait libéré une immense quantité d’énergie, entraînant des effets environnementaux généralisés tels que des incendies de forêt, des tsunamis et un scénario d’« hiver nucléaire » avec obscurité et refroidissement prolongés.
Ce n'est pas le sujet de cet article mais ajoutons que cet impact est souvent désigné pour avoir signé l'extinction des dinosaures. Même si leur extinction est provoquée par de multiples causes.
L’évènement de la Toungouska.
Le 30 Juin 1908 vers 07H00, une boule de feu 💥embrase le ciel parfaitement dégagé de la Sibérie centrale. Une terrible explosion est audible jusqu'à 1.500 km à la ronde. Des milliers d'arbres sont couchés au sol sur un rayon de 20 km et des dégâts sont constatés jusqu'à 100 km de l'épicentre. Un séisme de magnitude de 4.5 à 5 est enregistré par la station de Irkoutsk distante de 1.000 km. Des incendies dévastent la forêt pendant des semaines entières. La puissance de l'évènement est comparable à 1.000 fois la bombe d'Hiroshima. La région est heureusement très peu peuplée, on ne déplore que quelques décès mais de nombreux blessés, qui tous ont soit subi le souffle de l'explosion, ou on reçu des objets projetés par celle-ci. L'onde de choc est ressentie jusqu'aux États Unis. Dans les jours qui suivent, un nuage de poussières et de cendres dérive jusqu'en Espagne. Pendant plusieurs nuits, la luminosité ambiante est telle qu'il est possible de lire le journal sans aucun éclairage.
Mais aucun cratère, aucun débris, aucune trace au sol ! 🤔

Parmi les multiples explications possibles, voici celle qui fait consensus aujourd'hui : Une météorite ou une comète aurait rebondi sur l'atmosphère terrestre, survolant la terre sur une distance de 3.000 km à une altitude de 11 km à la vitesse de 11 km/s (40.000 km/h). Cette hypothèse a l'avantage d'expliquer l'absence de cratère et de débris au sol. De la poussière cosmique (provenant d'une queue de comète) retrouvée en 2010 dans les arbres proches de l'épicentre confirme cette hypothèse.
Le météore de Tcheliabinsk.
Le 15 février 2023 à 09H20, un gros météore déchire le ciel de l'Oural (encore en Russie !) dans l'oblast de Tcheliabinsk. Cette fois, le phénomène est parfaitement documenté, bien aidé par la densité de population locale et les nombreuses dashcam et caméras de surveillance :
Il s'agit ici d'une météorite d'environ 15 m de diamètre estimée à 12.000 tonnes qui est entrée dans l'atmosphère à 19 km/s (68.000 km/h) avec un angle proche de l'horizontale (18°). Elle a eu le temps de parcourir plusieurs centaines de km avant de se fragmenter en plusieurs morceaux à des altitudes comprises entre 43 et 21 km. Plusieurs stations de mesures à divers endroits sur la planète ont permis d'estimer l'énergie dissipée à 30 fois la bombe d’Hiroshima. Les fragments ayant impacté à plusieurs dizaines de km de la ville, on ne déplore aucun dégât ni blessé. Seule l'onde de choc, en se propageant, provoque quelques dégâts (vitres brisées) dans la ville de Tcheliabinsk.

Malgré notre toute puissante technologie, la météorite de Tcheliabinsk n'a pas été détectée. Tout allait bien et en un clin d’œil elle était là. Pourquoi ? En plus de sa petite taille, elle arrivait par l'Est, vue depuis la terre elle était trop proche du soleil.
Apophis :
Le 19 Juin 2004, 3 astronomes de l'observatoire de Kitt Peak (Arizona) observent un nouvel objet 2 nuits consécutives. 325 m de diamètre, 40 à 50 millions de tonnes, son orbite croise celle de la terre à 2 reprises à chacune de ses révolutions.

Les premiers calculs orbitaux prédisent un impact avec la terre le 13 avril 2029, puis en 2036. L'astéroïde 99942 est alors classé au niveau 4 sur l'échelle de Turin (on va en parler) et on lui donne un nom "grand public" : Apophis. Les observations et calculs ultérieurs ramènent finalement la probabilité d'impact à néant, il est donc ramené à zéro sur l'échelle de Turin. Ouf 🥵
2024 YR4 :
Le 27 décembre 2024, la station Chilienne automatique Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System (ATLAS) découvre un nouvel objet dont la taille est estimée entre 40 et 100 m. Je n'ai pas trouvé d'estimation de sa masse sur les sites sérieux, donc je m'abstiendrai.
Les premières observations indiquent une probabilité de 2,3 % de collision avec la terre le 22 décembre 2032 (le jour de mon anniversaire 🥴!), plaçant la menace au niveau 3 sur l'échelle de Turin. Ceci déclenche la première étape de "défense planétaire". J'en parle juste après. L'astéroïde est de type rocheux avec une cohésion interne, ce n'est donc pas de la glace ni un agglomérat de roches, ce qui le place plutôt dans la fourchette basse de l'estimation de taille : entre 40 et 60 m.
Son orbite étant très elliptique, il ne se trouvait qu'à 2 fois la distance terre-lune lors de sa découverte, se retrouvera jusqu'à 4 UA (Unité Astronomique = distance terre - soleil) entre avril 2025 et juin 2028 pour revenir très proche de nous le 17 décembre 2028.
Sa petite taille ne nous permet de l'observer que lorsqu'il est proche de la terre. C'est à dire pas souvent et pas longtemps. Comme toujours (voir Apophis), ce n'est qu'en multipliant les observations et en accumulant les données qu'il sera possible d'affiner sa trajectoire et de réduire la marge d'erreur : impact ou pas ? Pour vous je sais pas, mais moi un impact d'astéroïde le jour de mon anniv, ça m'arrange pas des masses... 🫣
Mais s'il devait impacter la terre, quelles seraient les conséquences ? Si vous vous rappelez, l'astéroïde de Chicxulub (cratère de 180 km et la puissance de plusieurs milliards d'équivalent de bombes d'Hiroshima) n'a pas exterminé la vie sur la terre. Ça a rendu les conditions beaucoup plus difficile, mais la vie a survécu. Et 2024 YR4 ce n'est qu'environ 50 m, il aurait plus de chances d'exploser dans l'atmosphère (comme à Tcheliabinsk) avec des dégâts pouvant s'étendre jusqu'à 50 km du point d'impact. Certes, c'est gênant si ça tombe dans votre jardin, mais 50 km à l'échelle du globe, ça reste "acceptable" d'autant que l'on aurait le temps de déplacer les populations en amont. Ah OK, et on sait à peu près où se situerait l'impact ? Un petit dessin valant mieux qu'un long discours, voilà.
A une vache près hein, ça peut évoluer dans le temps.

C'est dans ce contexte qu'est créée la défense planétaire :
Malgré plusieurs programmes de détection d'astéroïdes mis en place depuis la fin des années 1980 (défense planétaire), celui-ci montre ses limites : s'il est facile de découvrir de gros objets, les plus petits et les plus éloignés passent à travers les mailles de la détection alors qu'ils peuvent potentiellement se montrer menaçants.
C'est l'impact, ou plutôt les 21 impacts de la comète Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en 1994 qui frappe les esprits. Brutalement, l'humanité prend conscience de son impuissance face à la chute d'un astéroïde massif.

Le Congrès US missionne la NASA de détecter les géocroiseurs de plus d'un km de diamètre. Le financement du programme monte en puissance vers 2005 pour détecter des objets de plus de 140 m.
En 2021, la défense planétaire repose uniquement sur la NASA et l'ESA et dispose de :
Un programme de détection,
Une mission destinée à évaluer l'utilisation d'un impacteur cinétique pour dévier la trajectoire d'un géocroiseur (mission DART). (on en parle juste après),
Le développement d'un observatoire spatial consacré à la détection de ces objets (NEO Surveyor),
La création d'un réseau de télescopes FlyEye,
La mission Hera qui doit étudier les résultats de l'impact de DART en 2026.
La mise en service du James Webb Spatial Telescope a rebattu les cartes en terme de résolution. Son acuité sans égale dans l'infrarouge a été mise à profit via une subtile méthode d'empilement de 10.000 images enregistrées lors de précédentes campagnes et le résultat est largement au dessus de nos espérances. L'équipe a découvert 138 nouveaux astéroïdes de la taille variant d'un bus 🚎 à un stade ! Mais surtout, ceux-ci se trouvent beaucoup plus éloignés que tout ce qui était possible de détecter jusqu'alors ! 😀
Évidemment et heureusement, sans doute aucun de ces 138 corps ne sont géocroiseurs.
Vous avez dit géocroiseur ?
Bon enfin, c'est quoi un géocroiseur ? C'est un objet : astéroïde ou comète, qui tourne autour du soleil et dont l'orbite croise celle de la terre. La plupart d'entre-eux viennent de la ceinture d'astéroïdes, entre Mars et Jupiter. Il suffit d'un léger déséquilibre, une collision, pour que son orbite soit modifiée. Il "plonge" alors vers le soleil et sa trajectoire va forcément croiser l'orbite de la terre.
La majorité d'entre-eux, de petite taille, vont se désintégrer dans l'atmosphère sans atteindre la surface terrestre, mais les plus gros, heureusement plus rares, peuvent provoquer des dégâts. On estime à 180.000 tonnes la masse météoritique s'échouant sur terre chaque année ! 😲
De façon purement statistique, on peut prédire que les petits sont très fréquents, et plus ils sont gros plus ils sont rares. Suivant cette idée, il existe un tableau indiquant l'intervalle entre 2 collisions et l'énergie libérée en fonction de la taille :

DART :
Double Asteroïd Redirection Test est une mission menée de 2021 à 2022 par la NASA et consistant à envoyer un impacteur sur un astéroïde géocroiseur : Dimorphos, pour vérifier s'il est possible de le dévier.
Les 550 kg de la sonde spatiale DART sont lancés à 6,58 km/s (23 700 km/h) sur la surface du petit astéroïde Dimorphos (160 m de diamètre), qui lui-même orbite autour de l'astéroïde Didymos (800 m de diamètre).
Les observations ont permis de mesurer que la période orbitale de Dimorphos autour de Dydimos a été diminuée de 33 minutes, ce qui correspond à la fourchette haute des valeurs estimées.
La sonde spatiale européenne HERA est en route pour rejoindre Didymos en 2026 et apportera plus de précision dans les valeurs déjà mesurées.
L'échelle de Turin :
Vous vous en doutez, l'échelle de Turin consiste à catégoriser les risques d'impacts d'astéroïdes géocroiseurs. Elle est graduée de zéro (aucune chance de d'impact) à 10 (catastrophe climatique globale, menace pour l'humanité).

Niveau 1 : impact extrêmement improbable dans les décennies à venir.
Niveaux 2 à 4 : mérite l'attention des astronomes.
Niveaux 5 à 7 : dangereux.
Niveaux 8 à 10 : collisions certaines.
2 : collision très improbable.
3 : trajectoire rapprochée, dégâts localisés.
4 : trajectoire rapprochée, dégâts régionaux.
5 : trajectoire rapprochée, dévastation d'une région.
6 : trajectoire rapprochée, destruction globale. Mesures gouvernementales envisagées.
7 : trajectoire rapprochée, destruction globale. Mesures internationales envisagées.
8 : collision certaine, destruction localisée.
9 : collision certaine, destruction régionale.
10 : collision certaine, menace pour l'humanité.
2024 YR4 est classé au niveau 3.
L'article sera mis à jour quand de nouvelles données parviendront.
Michel HAVEZ
Février 2025.
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