Le paradoxe de Fermi.
- Michel Havez

- il y a 31 minutes
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L'idée d'Enrico Fermi est toute simple. S'il y a de la vie intelligente ailleurs que sur la terre, alors il "suffit" de chercher 🔭 ou d'écouter 👂 et nous devrions voir 👀 ou entendre 🎧 ces civilisations extraterrestres supposément peuplées de petits hommes verts. 👽
Oui mais voilà, on a beau scruter le ciel 🔭 🛰 📡 dans toutes les directions et toutes les fréquences possibles : lumière visible, infrarouge, fréquences radio, programme de recherche dédié : rien.

Désespérément rien.
Je parle ici de preuves scientifiques réplicables, pas de témoignages foireux dont j'ai déjà parlé ici, ici et encore ici, et j'ai déjà expliqué ici pourquoi il est impossible de réaliser un voyage interstellaire. 🛸
Dans l'antiquité :
Des philosophes de la Grèce antique (1.200 à 0 avant notre ère) supposent déjà l’existence de civilisations extraterrestres.

Mais du début de notre ère jusqu'à ~1.600 il n'était pas concevable qu'il y ait de la vie ailleurs. La terre était, du point de vue de l'église (et y avait pas intérêt à déconner avec ça) le centre de l'univers et les humains, créés par Dieu, étaient la seule forme de vie intelligente possible.
Ce n'est pas Giodano Bruno, exécuté en place publique sur le bûcher en 1.600 pour avoir osé clamer le contraire qui me contredira. Et Galilée n'aura la vie sauve en 1.633 que grâce à son parjure.

A partir du moment où la science a su imposer le géocentrisme en remplacement de l'héliocentrisme, l'église a été contrainte de ré-interpréter la bible (exégèse : art de trouver un sens nouveau à un même texte).
Il était alors officiellement permis de penser qu'une vie extraterrestre était envisageable, ouvrant en grand le champ des possibles à la recherche.
Naissance du mythe des Martiens :
En 1.858, Angelo Secchi observe la planète Mars au télescope, et découvre des structures alignées qu'il nommera "canale" ou "canali". Qui en Italien désigne aussi bien un canal artificiel qu'un chenal naturel. Mais il n'avance aucune interprétation.
En 1.892 William Pickering observe sur Mars des taches qu'il interprète comme étant des forêts.
En 1.894 Percival Lowell prône carrément l'hypothèse de canaux martiens. Il est convaincu que ces canaux d'irrigation ont été créés par les ingénieurs Martiens pour luter contre la sécheresse.
A partir de là c'est la fête à la saucisse 🌭🍟🍺 : journaux et magazines relayent massivement le mythe Martien, inspirant même Camille Flammarion dans deux ouvrages : "la pluralité des mondes habités" et "la planète Mars et ses conditions d'habitabilité".
Au début des années 1.900, les instruments optiques s’améliorent et il devient évident qu'il n'y a ni canaux ni forêts. Des analyses spectroscopiques plantent le dernier clou dans le cercueil du mythe Martien, prouvant qu'il n'y a pas de vapeur d'eau à la surface de Mars, qui ne peut donc être ni habitée, ni habitable.
Néanmoins le mythe reste très populaire auprès du grand public jusqu'en 1.965, année du premier survol par la sonde Mariner 4, dont les photos révèlent une surface désertique et sèche, des températures diurnes de -100 °C et aucun champ magnétique, enterrant définitivement tout espoir de vie.
Enrico Fermi et son paradoxe :
Mais revenons en 1.950. Un certain Enrico Fermi se pose pas mal de questions au sujet de possibles civilisations extraterrestres. Non pas sur Mars bien sûr, mais dans l'environnement d'autres étoiles. Nobellisé en 1938 suite au projet Manhattan avec Robert Oppenheimer, il se demande pourquoi l'humanité n'a pas encore trouvé de trace de civilisation extraterrestre alors que notre soleil est plus jeune que beaucoup d'autres étoiles. Selon son raisonnement, des civilisations plus avancées que la nôtre devraient maitriser une technologie au moins supérieure ou égale à la nôtre et donc être détectables.
Lors d'un repas à la cafétéria de Los Alamos avec ses amis et collègues, il déclare : "S'il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ? Sommes-nous la seule civilisation intelligente et technologiquement avancée de l'Univers ?".

Cette phrase lancée à la cantonade en 1.950 va résonner dans le milieu scientifique, devenant célèbre au point de donner naissance au fameux paradoxe de Fermi.
Ressorti de l'oubli par Carl Sagan en 1.966, puis par David Viewing et Michael H. Hart en 1.975, ces 3 là échafaudent des hypothèses pour résoudre le paradoxe de Fermi, que l'on peut résumer en 4 propositions (certaines d'entre-elles ne sont plus à l'ordre du jour) :
Il se peut que la probabilité d'apparition d'une civilisation technologiquement avancée soit très faible, si bien qu'un univers de la taille du nôtre est nécessaire pour qu'elle ait une chance de se produire une fois (mais beaucoup moins probablement deux),
Il se peut que les extraterrestres existent, mais que, pour une raison ou une autre, la communication et le voyage interstellaires soient impossibles ou ne soient pas jugés souhaitables,
Il se peut que la vie existe ailleurs, mais en des lieux rendant sa détection difficile, par exemple, dans des océans protégés par une couche de glace, organisée autour d'évents hydrothermaux,
Il se peut enfin que les extraterrestres existent et nous rendent visite, mais d'une manière indétectable avec les moyens techniques actuels.
L'équation de Drake :
Ce paradoxe est une version précoce de ce qui deviendra quelques années plus tard : l'équation de Drake.
Frank Drake est convaincu de l’existence d'une vie extraterrestre. Il est le père d'une célèbre équation (en 1.961) qui porte son nom. J'ai un article qui lui est consacré ici. Disons brièvement que cette équation propose d'estimer le nombre de civilisations extraterrestres au sein de notre Galaxie en utilisant diverses variables.
Dans l'état actuel de nos connaissances, l'estimation de la plupart des variables de la formule reste très incertaine, si bien qu'en fonction des choix adoptés, le résultat peut être inférieur à un (dans ce cas nous serions les seuls êtres technologiquement avancés dans la Galaxie), ou au contraire atteindre plusieurs centaines ou milliers voire davantage.
En 1.960, Frank Drake lance le programme de recherche S.E.T.I.
Le S.E.T.I.
Pour tenter de savoir si nous sommes la seule civilisation intelligente et technologiquement avancée de l'univers, des programmes officiels de recherche de civilisations extraterrestres se sont organisés :
L'Exobiologie : on envoie une sonde qui fait des mesures ou des prélèvements et on en déduit des facteurs pouvant ou ayant pu amener à l'apparition de la vie.
Mais le plus connu est sans conteste le programme S.E.T.I. : Searh for Extra Terrestrial Intelligence. Lancé en 1.960 sous l'initiative de Frank Drake. Le SETI part du principe que les autres civilisations extraterrestres utilisent, comme nous, des communications radio. Nous devrions être en mesure de les intercepter, qu'elles nous parviennent de manière intentionnelle ou pas.
D'abord cantonné à l'écoute radio, le SETI étend ensuite sa veille en 2.006 à l'ensemble du spectre électromagnétique puis optique (en spectroscopie).

Quelle est l'ampleur de la difficulté :
Les instruments du SETI pointent des portions de ciel qui hébergent de grandes quantités d'étoiles pour augmenter les chances de détection.
La sensibilité des instruments doit être en mesure de détecter un signal très affaibli par la distance de la source.
Sensibilité actuelle : 1.000 à 2.000 années lumières. Notre Galaxie a un diamètre de 100.000 années lumières.
L'instrument le plus récent est capable d'analyser 1 million d'étoiles, notre Galaxie en possède 200 à 400 milliards.
L'observation doit se faire dans la fréquence du signal émis.
Dans le domaine radio les observations sont effectuées entre les fréquences 1.000 et 10.000 MHz dont le signal est peu perturbé par le bruit de fond galactique.
Dans le domaine optique les observations sont effectuées en lumière visible et en proche infrarouge.
L'observation doit coïncider avec l'arrivée du signal en supposant que celui-ci n'est pas émis en continu.
A ce jour, aucun programme de recherche n'a été en mesure de découvrir la moindre trace de vie en dehors de notre système solaire.
Le signal WOW !
Ne partez pas 🤣 : le 15 Août 1.977 le radiotélescope nommé "The big ear" dans l'Ohio, qui travaille pour le compte d'un projet du S.E.T.I. capte un signal radio puissant pendant une durée de 72 secondes.
Stupéfait de voir à quel point le signal observé correspond à la signature attendue d'un signal interstellaire, l'astrophysicien de permanence : Jerry R. Ehman a entouré au stylo rouge le passage correspondant sur le relevé des mesures effectuées par le radiotélescope, et a écrit dans la marge le commentaire « Wow! ». Ce commentaire est devenu le nom du signal.

Avant de s'emballer, il faut savoir que le radiotélescope Big Ear est constitué de 2 "cornets" orientés chacun dans une direction légèrement différente afin de doubler la largeur d'écoute. Le signal Wow n'est entré que par 1 seul cornet et le design du système ne permet pas de savoir par lequel. On ne connait donc ni son origine précise, ni sa nature, ni s'il codait quelque chose. Supposer qu'il codait quelque chose postule qu'il avait une origine extraterrestre, ce qui n'est pas prouvé à ce jour. Il en aurait été tout autrement si le signal avait pu être écouté régulièrement, ou au moins occasionnellement.
Il a pu être confirmé qu'il ne s'agit pas d'une interférence terrestre. Le radiotélescope n'est pas orientable en azimut et utilise la rotation terrestre pour balayer le ciel. Compte tenu de sa largeur de fenêtre d'observation, la rotation terrestre correspond à 72 secondes pour un point fixe dans le ciel. Et comme la sensibilité est maximale au centre de la fenêtre, on observe un signal en augmentation sur les 36 premières secondes et en diminution sur les 36 dernières. Mais alors pourquoi le signal n'a été perçu que par un seul des 2 cornets, il aurait logiquement du entrer par le premier, puis le second, soit 2 fois 72 secondes... Cette question est sans réponse.
Aucun phénomène naturel connu aujourd'hui n'émet dans la bande du signal reçu : 10 kHz, qui est précisément la fréquence sur laquelle on s'attend à recevoir d'éventuels signaux de civilisations extraterrestres, cette longueur d'onde étant insensible à la poussière interstellaire.
Une hypothèse cométaire a été développée en 2.010 mais n'est aujourd'hui plus considérée comme plausible.
En 2.024, une équipe de l'observatoire d'Arecibo suppose que le signal « Wow! » a été provoqué par un événement astrophysique rare : l'illumination soudaine d'un nuage moléculaire froid déclenchée par une puissante radiosource. Cette interprétation ne fait pas non plus consensus.
A ce jour, le signal n'a toujours pas d'explication faisant consensus et ne s'est jamais reproduit.
Michel Havez, Novembre 2025.



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