Même les enfants le savent : la planète Saturne possède des anneaux. Ce que moins de personnes savent, c'est que nos 4 planètes géantes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus & Neptune) possèdent elles aussi des anneaux.
Aujourd'hui, on parle du seigneur des anneaux ! 🤪
Saturne est la dernière planète, après Jupiter, à être visible à l’œil nu. Pour Uranus et Neptune, il vous faudra une paire de jumelles. Et savoir où chercher 😄
De même, il vous suffira d'une bonne paire de jumelles pour voir les anneaux de Saturne. Évidemment, aux jumelles, ne vous attendez pas à quelque chose de fabuleux, mais ça devrait ressembler à peu-près à ça : ➡️
Photo du 20/09/2021 depuis ma terrasse : 20 secondes de pose à ISO 3200, f/11 et 600 mm de focale. Pourquoi seulement f/11, parce que mon 600 n'ouvre qu'à cette valeur. ☹️
En 1616, après avoir découvert les 4 lunes de Jupiter (les lunes Galiléennes), Galilée, braque sa lunette sur Saturne.
⬅️ Il reste perplexe et désemparé : il déclare que la planète Saturne est "trijumelle". La très faible résolution de son instrument ne lui permet pas de comprendre ce qu'il voit. En continuant de l'observer, il est de plus en plus perdu : les anneaux rétrécissent, jusqu'à disparaitre totalement. Il va jusqu'à imaginer qu'il a été l'objet d'illusions dans ses observations antérieures, et découragé, il délaissera l'observation de Saturne jusqu'à sa mort, sans jamais élucider ce mystère.
Pendant le demi-siècle qui suit, le phénomène va hautement intriguer les pointures de l'époque : Gassendi, Huygens, Hévélius, Riccioli et leurs copains. Chacun y va de son interprétation, la qualité des lunettes s'améliore lentement, mais Saturne en bougeant sur son axe, brouille les pistes !
Voici leurs dessins en fonction des époques :
Les théories les plus farfelues fleurissent. Il faut attendre 1655 pour que Huygens, armé d'un télescope d'un grossissement de 50, postule le premier que Saturne serait entouré d'un anneau solide. Jean Chapelain en 1660 propose que l'anneau serait en réalité formé d'une multitude de petits corps solides, mais l'idée n'est pas retenue, le consensus de l'époque est que l'anneau est un solide d'un seul bloc. Chapelain a raison mais son idée passe à la trappe.
10 ans plus tard, Cassini découvre de nouvelles lunes à Saturne, à la faveur d'une nouvelle période de disparition des anneaux. (Cela se produit tous les 15 ans).
A l'époque, on ne le sait pas encore, mais tout comme la terre, Saturne est incliné par rapport à son axe de rotation (24 ° pour la terre, 27° pour Saturne), et donc, selon la période d'observation, on peut voir soit la partie Nord des anneaux, soit la partie Sud. Et bien évidemment, à un moment lors du passage du Nord vers le Sud on voit les anneaux par la tranche. Ils semblent donc disparaitre à notre vue, parce que trop fins pour être imagés.
En 1675 & 1676, Cassini découvre que l'anneau est en fait composé de 2 anneaux (les instruments optiques s'améliorent). L'espace vide qui se trouve entre les 2 anneaux est nommée la division de Cassini. On a donc l'anneau A, la division de Cassini, et l'anneau B.
En 1684, Cassini découvrira 2 nouvelles lunes, portant à 5 le nombre de lunes connues de Saturne.
Rien ne se passe au sujet de Saturne pendant près d'un siècle. En 1780, William Herschel, qui au passage vient de découvrir Uranus, trouve une nouvelle division dans les anneaux, plus précisément sur l'anneau B. On a donc un anneau C, la nouvelle division porte le nom de Encke. Et en 1789, il trouve 2 nouvelles lunes. A cette occasion, il estime l'épaisseur des anneaux à environ 500 km.
En 1790, Pierre Simon de Laplace, se basant sur les lois de Kepler, estime la distance Saturne > Soleil à 1,4 milliards de km, le diamètre de Saturne à 100.000 km (il n'est pas loin : 118.000 km) et le diamètre des anneaux à 270.000 km (360.000 km, presque la distance terre-lune !).
En 1849, Édouard Roche suggère qu'une lune s'étant trop approchée de Saturne aurait été réduite en miettes par les forces de marée de la géante. Ce concept, qui tient la route, deviendra la limite de Roche. On va y revenir...
Dans sa publication de 1859, Maxwell ☕️ enterre la théorie des anneaux solides en avançant que les anneaux sont en fait composés d'un nombre infini de petits corps solides, non connectés, et orbitant autour de Saturne. Ce qui n'est alors qu'une théorie sera prouvé en 1895 par une étude spectroscopique qui démontre que les corps internes des anneaux orbitent plus rapidement que les corps externes. Et bim, Jean Chapelain avait raison en 1660 mais il est mort en 1674...
En 1872 les travaux de Daniel Kirkwood démontrent que les divisions de Cassini et de Encke sont en résonance avec les 4 lunes intérieures. Traduction : c'est l'influence des 4 lunes intérieures qui "fait le ménage" entre les disques, créant les divisions. Les petits corps absents de la division sont en fait accrétés sur chacune des lunes. Sans la présence de ces lunes, il n'y aurait donc pas de divisions.
La photographie se développant, Saturne devient une cible de choix. Mais c'est l'exploration spatiale (les sondes voyager, puis Cassini-Huygens et le télescope spatial Hubble) qui permettra dans un laps de temps très court de faire les plus grandes avancées. De nouvelles divisions sont découvertes, et donc de nouveaux anneaux. 8 sont connus à ce jour. En 2020, ce sont pas moins de 82 lunes qui sont cataloguées.
Disons qu'il n'y a plus de grosses surprises à attendre (en terme de lunes ou d'anneaux), car en 2005 la sonde Cassini-Huygens dépose un atterrisseur à la surface de Titan (la plus grosse lune de Saturne), puis passe au travers des anneaux pour se désintégrer dans l'atmosphère de Saturne en 2017, afin d'éviter tout risque de contamination de ses lunes. (On suspecte plusieurs des lunes de Saturne d'abriter de la vie. Vie simple, hein, genre bactérie, pas 👽). Pour savoir comment la vie apparait et se développe, c'est par ici. Vous n'êtes pas prêt !
Au cours de sa mission (1997-2017), la sonde Cassini effectuera 293 orbites de Saturne, 127 survols de Titan, 23 d'Encelade, et 162 de lunes diverses. 653 gigaoctets de datas et 450.000 photos sont envoyées à la terre.
Avant son crash fatal, la sonde envoie un dernier torrent d'informations et de photos, permettant :
une mesure précise de l'épaisseur des anneaux : de 2 à 10 m seulement, 😳
la découverte d'une ultime division (et donc d'un nouvel anneau),
de comprendre la nature des corps formant les anneaux : d'innombrables morceaux de glace (95 à 99% de glace d'eau pure),
d'estimer l'âge des anneaux : ceux-ci seraient beaucoup plus jeune puisqu'on les date à moins de 100 millions d'années, et ils devraient disparaitre d'ici 100 à 200 autres millions d'années.
Ce qui nous amène à la question : mais d'où viennent t'ils ces anneaux ?
Jusqu'en 2017, on pensait que les anneaux remontaient à la formation de Saturne. En effet, lorsqu'une planète se forme, elle puise sa matière dans le nuage de gaz (d'atomes), qui lui, est généré par la mort d'une étoile qui a explosé.
Bon j'en ai perdu quelques uns là, donc je reprends : lorsqu'une étoile en fin de vie explose, elle expulse très violemment ses atomes aux alentours, formant une nébuleuse ou une supernovæ. La gravitation, qui est toujours à l’œuvre, rassemble les atomes éparpillés. Les plus légers (hydrogène), s'ils sont en nombre suffisant, vont former une nouvelle étoile et les plus lourds vont former une ou des planètes. Au cours du processus (le nuage n'étant pas homogène) certains atomes vont rapidement s’accréter (former le corps de la planète) mais d'autres un peu plus petits et plus éloignés mettront plus de temps à s'accréter et vont s'organiser, orbiter, autour de la proto-planète (planète en formation). Comme la planète tourne sur elle-même, elle entraine dans son champ gravitationnel les atomes distants qui se rassemblent sous la forme d'un disque plat (un anneau). Donc on pensait que c'était le mode de formation des anneaux de Saturne.
Pourquoi les petits corps orbitent seulement en anneau plutôt que n'importe où ? La réponse complète dépasse le cadre de cette vulgarisation, et fait intervenir des phénomènes physiques complexes. Pour simplifier, imaginez que vous faites tourner une masse au bout d'une corde. A part à vitesse basse, la masse va s'équilibrer sur le plus grand diamètre possible (équateur). Toutes les planètes sont légèrement aplaties aux pôles du fait de leur rotation. Donc les corps s'organisent en anneaux sur le plan de l'équateur des planètes.
Et les planètes orbitent autour des étoiles sur le même modèle, mais ici il n'est plus question d'équateur mais d'écliptique.
Selon une autre théorie, Une lune géante de Saturne aurait réduit son orbite jusqu'à s'approcher si près de Saturne que les forces de marée de cette dernière auraient pulvérisé la lune imprudente. Cette théorie, on l'a vu un peu plus haut, s'appelle la limite de Roche, qui est de 140.000 km pour Saturne. Le noyau de la lune détruite aurait plongé dans le cœur de Saturne, tandis que les morceaux du manteau auraient formé les anneaux. Une variante de cette théorie serait que la lune aurait été heurtée par un autre corps (comète ou astéroïde) qui aurait désintégré la lune. C'est d'ailleurs de cette façon que s'est formée notre lune.
Mais le passage de la sonde Cassini au travers des anneaux en 2017 a pu montrer que l'éclat et la pureté de la glace d'eau qui compose les anneaux sont incompatibles avec une formation ancienne. Ce qui amènerait leur datation à environ 100 millions d'années. S'il s'agissait de poussière météoritique, le temps aurait conduit à un assombrissement des anneaux. Hors ce n'est pas le cas, les morceaux de glace qui composent l’anneau brillent comme du cristal.
L'équipe de Cassini pense que le matériau constituant les anneaux semble recyclé : des agrégats se forment mais sont ensuite réduits par des collisions, puis s'agglomèrent, puis sont détruits...
La dernière étude en date, de 2018, qui porte sur l'observation des ions d'hydrogène dans la ionosphère de Saturne, prévoit que les anneaux devraient disparaitre dans environ 290 millions d'années et que les anneaux devaient être encore plus majestueux à leur origine.
Sous l'effet combiné du rayonnement ultraviolet solaire et des nuages de plasma causés par les micrométéorites, les particules de glace d'eau des anneaux se chargent électriquement, puis sont attirés par le champ magnétique de Saturne et finissent par tomber à sa surface sous forme de pluie. La perte de volume de matière est estimée entre 432 et 2.870 kg par seconde.
L'épaisseur extrêmement faible des anneaux est due aux collisions entre les particules. Chaque particule de glace tourne individuellement autour de Saturne. Ainsi, si un morceau de glace se situe au-dessus de la surface de l'anneau, il va à chaque orbite autour de Saturne traverser l'anneau : les collisions durant la traversée de l'anneau auront tendance à la longue à réduire l'épaisseur de l'anneau.
Michel Havez, Décembre 2022.
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