Si vous avez lu ma récente publication sur l'énergie noire, vous vous souvenez qu'on a parlé de la découverte d'Edwin Hubble : plus les galaxies sont éloignées, plus elles s'éloignent vite.
Mais comment Edwin a t'il pu se rendre compte de la vitesse relative des galaxies (les unes par rapport aux autres) ?
Même en prenant des photos à intervalles réguliers, disons tous les 10 ans, elles sont tellement éloignées qu'on ne percevrait aucune différence.
C'est le moment de vous parler de l'effet Doppler. Mais si, vous le connaissez tous : vous avez remarqué que la sirènes des pompiers change de ton au moment où elle passe devant vous ? ⤵️
Eh bien c'est ça l'effet Doppler. Mais pourquoi le son change de ton ?
Le son est une onde, comme une vague.
Ce qui caractérise une onde c'est la fréquence.
La fréquence c'est la distance entre 2 crêtes de la vague (ou 2 creux, c'est pareil).
Imaginez vous à la plage. Disons qu'une vague vienne s'échouer à vos pieds toutes les 5 secondes. Si vous courez de la plage vers le large, vos pieds rencontreront une vague toutes les 2 secondes par exemple (on retranche votre vitesse au rythme des vagues). Et inversement, si vous courez du large vers la plage, vos pieds ne rencontreront de vague que toutes les 8 secondes. (on ajoute votre vitesse au rythme des vagues).
Pourtant le rythme des vagues n'a pas changé, c'est vous qui vous déplacez par rapport aux vagues. Elles sont stables. La variable c'est vous. Ici les vagues sont votre référentiel.
Changeons de référentiel, maintenant vous êtes immobiles au bord de la route, la sirène des pompiers vient vers vous.
La tonalité du son (la fréquence les vagues) va changer : Vous percevez la tonalité de la sirène, retranchée de la vitesse du camion.
Mais lorsqu'il passe devant vous, la tonalité de la sirène s'ajoute à la vitesse du camion. Le son est perçu plus grave.
C'est ça que l'on appelle l'effet Doppler.
Si vous avez compris, on a fait le plus dur du chemin. Remplaçons le son par de la lumière. La lumière est à la fois composée de petites particule (les photons), on dit qu'elle est corpusculaire, mais elle se comporte aussi comme une onde. C'est l'aspect ondulatoire qui nous intéresse aujourd'hui.
Je vous replace le spectre électromagnétique dans son ensemble, la lumière visible n'en représente qu'une toute petite partie (bleu-vert-jaune au centre).
Maintenant, zoomons sur le spectre de la lumière visible :
En observant le rayonnement émis par diverses sources lumineuses, on peut mesurer dans quelle longueur d'onde ce rayonnement est émis. Par ex 580 nanomètres (jaune).
Si la source lumineuse se déplace à grande vitesse, la longueur d'onde du rayonnement va changer (l'effet Doppler, le camion de pompiers). Elle va tendre vers 500 nm si elle se rapproche (bleu) ou vers 700 nm si elle s'éloigne (rouge).
A ce stade vous avez compris : une galaxie très éloignée dont on s'attend qu'elle rayonne à une longueur d'onde donnée sera systématiquement observée plus rouge qu'elle ne devrait.
C'est ça le redshift !
La mesure spectrale qui se décale systématiquement vers le rouge est le signe que la galaxie est en éloignement. Ce ne serait pas le cas si elle était statique.
Edwin comprend que plus les galaxies sont lointaines, plus elles s'éloignent à grande vitesse !
(Même si passer du bleu au vert, techniquement s'est se décaler vers le rouge !)
En astronomie, le redshift est noté par la lettre "z". Il est calculé en comparant les longueurs d'onde observées des raies spectrales émises par des objets astronomiques avec les longueurs d'onde attendues dans un laboratoire sur Terre.
En d'autres termes, plus l'objet est distant, plus son redshift (z) est élevé.
A force d'effectuer des mesures sur différentes galaxies, Edwin met en évidence une constante entre les vitesses d'éloignement des galaxies et leur distance.
Il détermine que les galaxies s'éloignent de ~ 70 km/s par mégaparsec. Je vous renvoie sur ma publi sur les parsecs. (Mpc).
Donc une galaxie située à 10 mégaparsecs s'éloigne à une vitesse de 700 km/s, à 100 Mpc elle s'éloigne à 7.000 km/s, etc.
C'est ce qu'on appelle la constante de Hubble.
Mais il y a encore mieux ! la précision de ces mesures est telle qu'elle permet de déterminer le sens de rotation d'une galaxie !
En effet, d'un côté de la galaxie qui s'éloigne, on a les étoiles qui viennent vers nous (enfin plutôt qui s'éloignent moins vite) alors que de l'autre côté elles s'éloignent plus vite. Et on est capable de mesurer le décalage spectral entre les 2 côtés !
Attention : il n'y a pas un côté bleu et l'autre rouge, mais une infime différence spectrale (néanmoins mesurable) par exemple 658 nm d'un côté et 660 de l'autre (ce qui est bien sûr indiscernable à l’œil nu).
Autre conséquence du red shift : vous savez maintenant que plus les galaxies sont lointaines, plus elles s'éloignent vite et donc plus leur spectre est décalé vers le rouge. Je veux dire bien au delà de 700 nm. Hein ? mais on n'est plus dans le visible là ? Exact, on est dans l'infrarouge. Vous venez de comprendre pourquoi on construit des télescopes qui observent dans l'infrarouge (coucou James Webb).
Histoire de bien faire exploser ce qui reste de votre pauvre cerveau surchauffé, imaginez une galaxie située à plus de 4.000 Mpc de la nôtre (13 milliards d'années-lumière). A cause de la constante de Hubble (70 km/s par Mpc) cette galaxie s'éloignerait à une vitesse supérieure à 300.000 km/s.
Hein ? quoi ? ah mais non ! rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière ! C'est tonton Einstein qui l'a dit !
Et pourtant c'est bien le cas, et en plus sans violer les principes de la relativité générale !
Bien sûr il y a une astuce : on voit les galaxies s'éloigner, et pourtant elles ne bougent pas. C'est l'espace entre les galaxies qui se dilate. Et il se dilate d'autant plus vite qu'il est éloigné !
Je vous ressors encore ma métaphore du gâteau aux raisins :
Dans la pâte crue, chaque raisin est espacé de 5 cm de son voisin (vous êtes trop maniaque 😄). Dans le four la pâte lève, et quand vous découpez le gâteau les raisins sont maintenant espacés de 8 cm. Ils se sont déplacés de 3 cm. Ont-ils une vélocité ? Non, ils n'ont pas bougé. C'est la pâte qui s'est dilatée. OK ?
Si malgré tous mes efforts il vous reste encore quelques neurones en état de fonctionner, on peut approfondir un peu. Ben oui, jusqu'ici je suis resté vague sur la méthode d'Edwin Hubble pour établir la fameuse constante qui porte son nom.
Tonton Edwin a utilisé la méthode des "chandelles standard". Avec une constante de Hubble = 74 km/s / Mpc. Pour en savoir plus sur les chandelles standard je vous renvoie à l'énergie noire.
L'autre méthode, plus récente, pour mesurer la vitesse de l’expansion de l'univers est l'étude du fond diffus cosmologique. Avec une constante de Hubble = 67 km/s /Mpc. Pour en savoir plus sur le fond diffus cosmologique je vous renvoie à Notre compréhension de l'univers.
Comme vous pouvez le constater, les 2 méthodes diffèrent d'environ 10%. Au départ on a cru à une imprécision des mesures. Après tout, avec 10 % d'erreur on est dans le même ordre de grandeur. On se dit qu'il n'y a qu'à affiner et ce sera réglé. Mais on a beau multiplier les mesures durant toutes ces dernières années, avec des instruments de plus en plus précis, les 2 méthodes refusent définitivement de concorder.
C'est cette impossibilité à obtenir les mêmes résultats avec 2 méthodes différentes (ce qui est le fondement de la méthode scientifique) que l'on appelle la tension de Hubble.
Mais la récente découverte d'un quasar lointain à la configuration unique (un zig-zag d'Einstein) va permettre une nouvelle mesure de la constante de Hubble, en employant une 3ème méthode, évidemment indépendante des 2 précédentes.
Et c'est le JWSP qui va s'y coller, avec des mesures qui vont prendre environ toute une année. A l'issue de ces mesures, soit on aura résolu l'un des problèmes majeur de la cosmologie moderne, soit on aura encore plus de questions...
Michel HAVEZ, Novembre 2024.
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