top of page
Photo du rédacteurMichel Havez

Où l'on reparle de la fuite de l'ISS.

Vous vous souvenez à la fin de l'été 2018, un module Soyouz, Russe donc, de l'ISS présentait une fuite qui, à défaut de s'avérer problématique ou dangereuse, avait fait couler beaucoup d'encre. Quoi, vous ne vous rappelez pas ? Bon OK, j'ai compris, un bref résumé des faits s'impose.


Le 30 Août 2018, une alarme "pression basse" retentit dans l'ISS. Cette alarme génère un suivi depuis le sol, tant du côté Russe que Ricain, et bien sûr une recherche active de la fuite par les 6 occupants de la station orbitale.


La fuite étant ténue, la situation est loin d'être problématique. Concrètement, quelque-part dans un module Russe, l'oxygène s'échappe dans le vide spatial. Une inspection minutieuse commence, une escape-game, pardon, une EVA est même réalisée pour inspecter le vaisseau depuis l'extérieur.


La cause de la fuite est rapidement trouvée : un trou d'environ 3 mm de diamètre est visible à la surface du vaisseau, derrière un panneau de protection.


Le trou semble avoir été fait à la perceuse, une petite trace de ripage du forêt est d'ailleurs visible sur la peinture. Aussitôt découvert, aussitôt colmaté.

Reste une question : comment ce trou est-il arrivé là ?

La piste d'un impact par l'extérieur est rapidement écartée par l'inspection extérieure, d'autant que ça ressemble bien à un trou de perceuse depuis l'intérieur. Quelqu'un ou quelque chose a percé un trou dans la paroi du Soyouz, mais quand ?


Les Russes diligentent une enquête interne, dont les conclusions ne seront pas rendues publiques.

Les hypothèses sont les suivantes :

  • soit il s'agit d'une grossière erreur dès la construction du module, erreur qui aurait été soigneusement maquillée, colmatée, le Soyouz ayant satisfait aux tests en chambre à vide,

  • soit le trou a été percé en orbite.


Depuis cette "affaire", plusieurs incidents sont venus émailler l'aura du spatial Russe : un lanceur qui se désintègre au moment de la séparation de ses boosters, un panneau solaire qui se déploie mal, une petite panne d’amarrage automatisée et enfin récemment le ré-allumage intempestif des moteurs du module Nauka après sont docking à l'ISS. Il est facile d'amalgamer le tout pour tirer des conclusions négatives sur le secteur spatial Russe, ce dont ne se priveront pas les médias Ricains.

C'est oublier un peu vite que le bloc de l'Est a assuré seul, avec une régularité et une sécurité exemplaire, une décennie durant, les voyages vers et depuis l'ISS, sans qu'aucune perte humaine ne soit à déplorer.

L'affaire s'était tassée, chassée de l'actu par un flot d'infos toutes neuves. Jusqu'en ce 12 Août 2021, où un article de l'agence TASS jette un pavé dans la marre, ressortant des oubliettes l'affaire du trou de Soyouz : Un haut responsable (qui a désiré conserver l'anonymat) y affirme que selon le résultat de l'enquête, le perçage du trou a « définitivement » eu lieu en orbite, et que l'auteur ne connaissait pas la conception du Soyouz, les enquêteurs ayant observé de nombreux rebonds de la mèche sur la paroi. Toujours selon ses dires, les cosmonautes Russes ont tous été soumis à un détecteur de mensonges duquel ils seraient sortis blanchis. De son côté, la NASA n'a pas jugé utile de soumettre les astronautes Américains au test de mensonges.


L'article a déclenché nombre de réactions, provoquant une rumeur Russe qui accuse carrément l'astronaute Américaine Serena Aunon-Chancellor d'avoir percé le trou, étant instable psychologiquement, puisque souffrant d'une thrombose veineuse…

Suite à cet emballement médiatique, les responsables des astronautes, tant Russes qu'Américains, sont intervenus pour un appel au calme, pour faire cesser les rumeurs et demander de respecter les personnes qui donnent tout pour faire fonctionner au mieux la coopération internationale.


Pourquoi et comment ce trou est-il soudainement apparu ?


Comment : bien sûr, l'ISS comporte une "caisse à outils" avec perceuses et forêts. Donc, l'auteur doit sortir de son caisson sans réveiller ses voisins, préparer l'outillage sans faire de bruit, passer du côté Russe en évitant ou arrêtant la vidéo, s'assurer que les cosmonautes Russes sont eux aussi dans les bras de Morphée, descendre se faufiler dans le Soyouz et commencer à percer. Sans réveiller les copains. Le méfait accompli, il faut récupérer la limaille qui flotte, revenir dans le module US, ranger la perceuse, nettoyer le forêt, cacher la limaille aux yeux des autres, rejoindre son caisson sans faire de bruit puis faire semblant de rien. Si la chose n'est pas impossible, elle est par contre extraordinairement complexe (l'ISS est très exiguë). Quand au diamètre du trou, légèrement trop grand c'était risquer l'abandon du module, alors qu'en l'état il restait très simple à colmater, rendant cet hasardeux sabotage d'une inefficacité remarquable...


Pourquoi : Difficile d'expliquer les raisons qui pousseraient un astronaute à saboter le vaisseau qui le protège de l'espace. Les raisons invoquées par la rumeur (désir d'un retour sur terre anticipé pour cause de thrombose veineuse) ne colle pas : pour que le sabotage fonctionne, il aurait fallu une fuite majeure qui aurait mené à la perte du module... qui aurait été remplacé dans les mois qui suivent. Sans que cela ne génère de mouvement de personnels.


Le module Soyouz MS-09 après son atterrissage au Kazakhstan.

D'ailleurs, malgré son colmatage, le module a mené à bien sa mission qui a même été rallongée, sans que cela ne porte le moindre préjudice.


Plus encore : durant les mois précédant ou suivant l'incident, aucun astronaute n'a montré d'instabilité psychologique, de comportement violent, voire autodestructeur...




Russie et Etats-Unis ont des visions indépendantes sur l'avenir de leurs programmes habités en orbite basse. Le schisme de l'ISS ne semble pas pour demain, et la coopération est plus importante que jamais. Mais au fur et à mesure que la fin de vie de la station se profile, les frictions médiatiques et diplomatiques vont sans doute se multiplier. Les Américains ayant récupéré leur capacité à envoyer leurs astronautes de façon indépendante se découvrent une liberté nouvelle de critiquer le secteur spatial russe, lequel a beaucoup moins de moyens. Et il n'est pas idiot de penser que ces « fuites » récentes dans les médias Russes sont une réponse directe à la grande campagne de dénigrement qui a suivi l'amarrage du module Nauka tant attendu (et qui, d'ailleurs, fonctionne aujourd'hui très bien).


Gare, toutefois : des piques par médias interposés jusqu'aux véritables tensions diplomatiques, il n'y a parfois qu'un pas, ou un mauvais coup de perceuse...



Michel Havez, 19 Août 2021.

9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

コメント


bottom of page