Exo : exotique, qui vient d'ailleurs. On parle donc de planètes qui n'orbitent pas autour de notre étoile : le soleil, mais autour d'autres étoiles.
On comprend tout de suite la difficulté à détecter de tels objets : déjà les étoiles, même proches, sont très éloignées de nous, mais les planètes sont beaucoup plus petites (que leur étoile), elles n'émettent aucune lumière (contrairement aux étoiles) et elles sont toutes très proches de leur étoile (rapporté à l'échelle de distance qui nous sépare d'elles).
Comme il est difficile de se représenter le challenge, une métaphore s'impose : disons que vous voulez observer un moustique qui tourne autour du phare (aveuglant) du port de Marseille en vous trouvant à … Paris. Ça y est, vous avez capté l'ampleur du défi ?
Si la chose vous paraît insensée, les astronomes y sont pourtant parvenus. Suivez-moi, on va voir comment.
La découverte des exoplanètes est une science très récente dans le monde de l'astronomie. Si leur existence est évoquée dès le 16ème siècle (après tout le raisonnement est logique : si des planètes orbitent autour de notre soleil, pourquoi n'y en aurait-il pas sur d'autres étoiles ?) le manque de technologie ne permet bien sûr pas encore leur détection.
Disons que trancher cette question est juste fondamental : si l'on arrive à prouver qu'il n'existe pas d'autres planètes ailleurs que dans notre système solaire, alors c'est plié : nous sommes la seule forme de vie intelligente de l'univers. Par contre, prouver l'existence d'exoplanètes permet d'ouvrir une porte sur la vie intelligente extraterrestre (sans toutefois la prouver). C'est peu dire qu'il serait important de pouvoir répondre à cette question.
Petite parenthèse : j'insiste bien sur "forme de vie intelligente", car la vie primitive (micro organismes bactériens, stromatolites...) pullule très certainement un peu partout. Lire ou relire à ce sujet l'apparition de la vie sur terre. Fin de la parenthèse.
Au début des années 1990, une équipe Suisse dirigée par Michel Mayor et Didier Queloz, conçoit un spectrographe destiné à faire des mesures de vitesses radiales. On va y revenir.
Ils cherchent un observatoire qui aurait du temps d'observation à leur consacrer pour y installer leur instrument, et c'est l'observatoire de Saint Michel l'Observatoire avec son modeste miroir de 193 cm (situé à 8 km de Forcalquier : cocorico !) qui est choisi.
Le spectrographe est installé, les mesures peuvent commencer. La cible choisie est 51 Pegasi (dans la constellation de... Pégase bien sûr) à 50 années lumière de la terre.
Et un jour de 1995, alors qu'il n'en est encore qu'à la calibration de son instrument, Michel Mayor est très surpris d'obtenir déjà un résultat ! Croyant à des erreurs de calculs il refait ses mesures, mais il n'en croit pas ses yeux, il vient de découvrir qu'un corps massif (d'environ la taille de Jupiter) orbite en seulement 4,2 jours autour de 51 Pegasi.
Cette découverte, en plus de révéler la première exoplanète de l'histoire, remet en question le scénario classique de formation des planètes autour des étoiles : on croyait jusqu'alors qu'il ne pouvait y avoir que des planètes telluriques (petites et rocheuses) proche des étoiles, les planètes géantes (et gazeuses) ne pouvant se trouver que plus loin, à l'image de notre propre système solaire. Mais tout ceci vient d'être balayé brutalement ! Il y a une sorte de Jupiter qui se balade dans l'orbite de Mercure autour de 51 Pegasi et qui accompli sa révolution en 4,2 jours, là où notre Mercure le fait en 88 jours !!!
Bon alors OK tout ça c'est bien beau, mais on ne sait toujours pas comment on les détecte, ces exoplanètes ! J'y viens. Il y a plusieurs méthodes.
Les vitesses radiales :
Commençons par la méthode utilisée par l'équipe Suisse : la mesure des vitesses radiales. Si une planète orbite autour d'une étoile, bien que cette dernière soit très massive, elle est malgré tout influencée (très légèrement, mais c'est mesurable) par la masse de la planète.
En tournant autour de son étoile, la planète va influencer l'étoile, qui du coup, ne va pas rester pile au centre de l'orbite, l'étoile va osciller légèrement. Le déplacement de l'étoile, c'est ce qu'on appelle la vitesse radiale.
En réalité, on ne voit pas l'étoile bouger directement, mais en effectuant x mesures espacées dans le temps, on constate un déplacement en comparant les mesures (spectroscopie).
OK bien vu les gars, mais cette méthode ne marche qu'avec des planètes qui orbitent rapidement autour de leur étoile. Ben oui, 4 jours de mesures ça va, mais notre Jupiter à nous il fait sa révolution autour du soleil en 12 ans, ça fait un peu long pour faire des mesures... Et puis cette technique ne fonctionne seulement que si on regarde « par dessus » le système stellaire comme sur l'infographie, mais si on regarde par la tranche on ne peut plus détecter l'oscillation ?
Le transit :
Exact, 2ème méthode : le transit. Cette méthode est en apparence plus simple à comprendre mais nécessite des instruments de mesure d'une extrême précision ; jugez plutôt : c'est le principe d'une éclipse, mais le corps (la planète) qui passe devant l'étoile est minuscule.
Néanmoins, en passant devant son étoile, il provoque une infime baisse de luminosité de celle-ci. C'est cette baisse de luminosité passagère et surtout cyclique qui permet d'affirmer qu'on est en présence d'une (ou plusieurs) planètes...
L'imagerie directe :
Troisième méthode : l'imagerie directe, qui combine les avantages (récents) de l'optique adaptative, de l'interférométrie (voir le sujet sur les instruments optiques) et de la coronographie ; les premières détections en imagerie directe ont eu lieu en 2004 avec le VLT (Very Large Telescope).
Il existe encore d'autres méthodes : l'astrométrie et l'effet de microlentille gravitationnelle. Je ne m'aventurerai pas sur ce terrain, dont la complexité dépasse largement mes connaissances.
Où en sommes-nous ?
Moins de 30 ans après la première découverte par les Suisses à St Michel l'Observatoire, c'est déjà plus de 7.000 exoplanètes dont la découverte est confirmé. A cela s'ajoutent encore plusieurs milliers découvertes mais en attente de confirmation.
Entre-temps, un télescope spatial (Kepler, opéré par la NASA de 2009 à 2019) a été conçu spécialement à cette tâche. A lui seul, à la fin de sa mission, il permit la découverte de 2.662 planètes (confirmées) soit environ la moitié de celles découvertes à ce jour.
Et après ?
En extrapolant à partir des découvertes déjà réalisées, il existerait au moins 100 milliards de planètes, rien que dans notre galaxie !
E.T., où te caches-tu ?
Michel Havez, Mai 2021.
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