En 2019, lors du 70ème anniversaire de la République populaire de Chine, le président Xi Jinping annonce la couleur : rien ni personne ne pourra arrêter les progrès du pays. Avec une économie en pleine croissance, le chef du parti communiste chinois de 69 ans n'est pas là pour faire de la figuration. Voyons ensemble l’histoire du programme spatial chinois et quels sont les projets de l’agence spatiale chinoise (la CNSA) pour dépasser ses concurrents dans la nouvelle course à l’espace!
Un mois seulement après le premier vol historique de Youri Gagarine, les américains réagissent en envoyant Alan Shepard dans l’espace le 5 mai 1961.
Le 15 octobre 2003, la Chine devient la troisième nation capable d’envoyer un humain dans l’espace, avec plus de 40 ans de retard sur l’URSS et les États-Unis. Pour rappel, on désigne les astronautes chinois par le terme Taïkonaute, une expression créée à partir du mot espace taìkōng et du suffixe français naute.
Seul aux commandes de la mission Shenzhou 5, Liwei Yang devient à 33 ans le premier Chinois à franchir la ligne de Karman qui marque la frontière entre l’atmosphère et le vide spatial (fixée par convention internationale à 100 km). Installé à bord de son vaisseau Shenzhou une capsule inspirée du vaisseau russe Soyouz, l’ancien pilote de combat effectue 14 fois le tour de la Terre en un peu plus de 21 heures.
Pour lancer son programme spatial habité, la Chine développe depuis les années 1970 la famille des lanceurs Longue Marche, un nom qui fait référence à une stratégie militaire utilisée en 1934 lors de la guerre civile chinoise : Pour éviter une défaite imminente, le leader communiste Mao Zedong ordonna une retraite stratégique de 10 000 kilomètres, un long périple d’un an durant lequel près de 100.000 de ses soldats auraient perdu la vie. Grâce à cette longue marche, l’armée populaire de libération a finalement rassemblé ses troupes pour remporter le conflit. De la même manière, avec son lanceur Longue marche, la Chine espère rattraper son retard technologique pour reprendre la tête dans la nouvelle course à la lune amorcée avec le programme Artemis.
Le 3 janvier 2019, c’est d’ailleurs sur notre satellite naturel que l’agence spatiale Chinoise contre-attaque en déployant avec succès son rover Yutu de 140 kg sur la face cachée de la Lune, une grande première dans l’histoire de la conquête spatiale. Deux ans plus tard, la Chine confirme son statut de grande puissance dans le domaine en devenant le troisième pays à ramener des échantillons de roches lunaires grâce à sa mission Chang’e 5.
Fort de son succès, le programme robotique prévoit trois missions supplémentaires d’ici 2027 pour permettre aux premiers taïkonautes de marcher sur la Lune.
Mais croire que la Chine compte simplement reproduire les exploits de l’ère Apollo serait une erreur. En effet, elle souhaite aussi installer une base à proximité du pôle sud de notre lune, une région qui abrite de grandes réserves d’eau glacée, cachées au fond de cratères plongés dans une ombre permanente. Pour préparer ce futur chapitre de l’histoire spatiale chinoise, la CNSA a déjà commencé l’assemblage d’une station spatiale modulaire. Calquée sur le modèle de l’ancienne station Mir, elle accueille déjà deux équipages de taïkonautes cette année avant d’être complétée en 2022 avec l’ajout des laboratoires scientifiques Wentian et Mengtian.
Privés d’accès à l’ISS depuis une loi votée au congrès américain en 2011, la Chine fait donc cavalier seul ou presque vers les étoiles. En 2017, deux astronautes de l’ESA ont rejoint 16 taïkonautes pour partager 9 jours d’entraînement, préparant ainsi de futures missions communes à bord de la station spatiale chinoise. Le premier module de celle-ci a été orbité en Avril dernier, puis un cargo de ravitaillement est venu s’amarrer automatiquement en Mai, le premier équipage ayant rejoint la station en Juin ! Au travail depuis 2 mois, les taïkonautes ont déjà réalisé deux sorties extra-véhiculaires ! De nouveaux modules viendront étoffer la station dès l'année prochaine.
Le 26 avril dernier, la CNSA et l’agence spatiale Russe Roscosmos ont dévoilé leur intention de construire une base sur la Lune, la ILRS (Station Internationale de Recherche Lunaire).
Pour acheminer ses composants sur la Lune d’ici 2035, la Chine développe un nouveau lanceur lourd : la Longue Marche 9.
Similaire en taille au lanceur SLS du programme Artemis, ce nouveau lanceur lourd pourrait concurrencer le Starship de SpaceX en lançant jusqu’à 140 tonnes en orbite basse. Propulsé par quatre boosters équivalents chacun à un premier étage d’une Longue Marche 5, le segment central de cette fusée géante fera 10 mètres de diamètre. Contrairement au lanceur semi-réutilisable Longue Marche 8 lui aussi en cours de développement, la Longue Marche 9 ne sera pas réutilisable, notamment pour permettre l’envoi de charges utiles lourdes et tenter de ramener des échantillons de Mars.
En posant son premier rover sur la planète rouge, la Chine a démontré qu’elle était capable de rattraper son retard technologique. Malgré le long chemin (ou la longue marche!) qu’il lui reste à parcourir, le pays semble prêt à tout pour devenir la première puissance spatiale, quitte à concurrencer les plus grands comme SpaceX. Lors de la sixième Journée Nationale pour l’Espace qui s’est tenue à Nanjing (dans l’Est du pays), le constructeur de la Longue Marche a d’ailleurs dévoilé un projet de transport suborbital étrangement semblable au Starship imaginé par Elon Musk.
Derrière la méfiance de la communauté internationale envers le programme spatial Chinois se cache donc peut-être une certaine forme d’inquiétude face à la montée en force de cette nouvelle puissance spatiale. Boostés par une économie en pleine santé, les projets de la CNSA relancent la concurrence et on l’espère pousseront les américains à accélérer leur programme Artémis.
Michel Havez, 31 Août 2021.
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