Le 10 Mai 2021, la sonde Osiris Rex s'arrachait de l'orbite de l'astéroïde Bennu pour rentrer à la maison, après avoir prélevé 60 gr d'échantillons à sa surface. Retour sur une incroyable mission.
Mais d'abord, c'est qui ce Bennu, d'où vient-t'il ?
Pour comprendre les échelles de distances, on va parler en UA (Unité Astronomique) : 1 UA = distance terre-soleil. La terre se trouve donc à 1 UA du soleil (150 millions de km).
Notre système solaire comprend une étoile et 8 planètes. Et aussi, on a tendance à l'oublier, 2 ceintures d'astéroïdes et un nuage.
La première ceinture d'astéroïdes se trouve entre les petites planètes telluriques et les géantes gazeuses, à 2,8 UA de la terre. (Asteroid belt sur l'infographie qui, bien sûr, n'est pas à l'échelle).
La seconde ceinture est nommée ceinture de Kuiper ; elle est très étendue et se trouve au large de Neptune, sa largeur est comprise entre 40 et 60 UA de la terre. C'est loin !
Au delà de la ceinture de Kuiper, mais alors vraiment beaucoup beaucoup plus loin, non, encore plus loin, on trouve le dernier objet constituant notre système solaire : le nuage d'Oort, de 30.000 à 100.000 UA de la terre ! (non représenté sur l'infographie). Contrairement aux autres objets du système solaire qui orbitent sur l'écliptique (ils se déplacent comme s'ils étaient posés sur un disque) le nuage d'Oort lui est sphérique, c'est une bulle qui entoure notre soleil et tout ce qu'il y a à l'intérieur (de la bulle, pas du soleil). La limite externe du nuage d'Oort forme la frontière gravitationnelle de notre système solaire.
Comme leur nom le laisse supposer, les 2 ceintures d'astéroïdes sont composées... d'astéroïdes. Et que trouve t'on dans le nuage d'Oord ? Des comètes !
Après ce petit préambule, nous savons maintenant d'où proviennent ces astéroïdes qui nous tombent sur la tête. Enfin, c'est pas notre tête qui est visée, c'est plutôt le soleil. Juste il arrive qu'on se trouve parfois par hasard sur la trajectoire.
Alors normalement, les astéroïdes tournent bien sagement sur leur orbite, bien alignés dans leur ceinture. Mais il arrive qu'un gros perturbe l'équilibre d'un plus petit, qui du coup, infléchit sa trajectoire et plonge vers le soleil. Rappelez-vous, le soleil c'est 99,8 % de la masse du système solaire à lui tout seul. Vous avez bien lu, pour le dire autrement, tout le reste : les planètes, les 2 ceintures d'astéroïdes et le nuage d'Oort c'est 0,2% de la masse... On est pas grand chose ma pauv'dame !
OK alors on sait d'où ils viennent, on sait pourquoi ils nous tombent dessus, il se passe quoi après ? Bien que plongeant vers le soleil, ils ne vont pas s'y écraser direct du premier coup. Ils vont passer à proximité du soleil, et vont définir une nouvelle orbite, de plus en plus proche de notre astre. Et ça, ça prend du temps. Le temps que nous soyons capable de les détecter, leur donner un nom, calculer leur orbite, les plus gros pouvant orbiter comme ça pendant des siècles, des millénaires, voire plus d'un million d'années...
Bennu, c'est un caillou de 500 m de diamètre découvert en 1999. Il s'agit d'un géocroiseur, ce qui veut dire que sa trajectoire va rencontrer celle de la terre. A plusieurs reprises. Attention, j'ai dit que ce sont les trajectoires qui se croisent, pas les objets qui se percutent ! Ouais, j'vous connais... 😄
Donc, dans le cas de Bennu, on a un caillou bien identifié, dont on connait bien les habitudes, et dont il serait bigrement intéressant de connaître la composition, histoire de mieux comprendre les origines de la vie sur terre. Car selon une théorie solide, la vie sur terre aurait pu être « apportée » par les astéroïdes. Donc réaliser des prélèvements sur l'un d'eux permettrait peut-être de trouver des acides aminés, considérés comme étant les précurseurs de la vie terrestre !
C'est en partant de cette idée que démarre le projet Osiris Rex (Origins Spectral Interpretation Resource Identification Security Regolith Explorer) : une sonde de 2 tonnes, lancée en Septembre 2016 depuis Cap Canaveral en Floride par un lanceur Atlas 5. La sonde est équipée d'un panel d'instruments de mesures pour cartographier la surface de Bennu, d'un bras robotisé télescopique chargé du prélèvement, d'une capsule pour ramener les échantillons et d'un bouclier thermique pour protéger la précieuse cargaison lors de la rentrée atmosphérique terrestre. En gros.
La totalité de la mission est étalée sur 7 ans : la première année est dévolue au transit de la terre vers Bennu. Puis il faut réaliser l'approche en vue de se placer en orbite, donc freiner. C'est là que c'est chaud : à un pouillème près, soit la sonde s'écrase à la surface, soit elle rate sa cible et dérive vers l'infini et au delà jusqu'à la nuit des temps. Mais tout se passe comme prévu et en 2019 la sonde cartographie et analyse Bennu depuis une orbite de plus en plus resserrée, 5 km, puis 2. A cette étape, Osiris Rex se sert de la cartographie qu'elle réalise en temps réel pour choisir son futur site de prélèvement (4 cm de résolution!). Malgré la faiblesse du champ gravitationnel, l'orbite se révèle très stable et ne nécessite que peu de corrections. Les images envoyées par la sonde vers la terre permettent déjà aux astrophysiciens de calculer que Bennu a un âge compris entre 100 millions et 1 milliard d'années.
En Août 2019, 4 sites d'atterrissages sont en compétition. Le site définitif sera choisi le 12 Décembre 2019. De janvier à Août 2020, 2 répétitions sont réalisées : Osiris Rex va plonger sur Bennu jusqu'à moins de 65 m, puis 40 m, puis regagner son orbite à 1 km.
L'étape ultime du prélèvement est réalisée le 20 Octobre 2020 ; non loin du site se trouvent des roches de la taille d'une maison ; la sonde doit effectuer des manœuvre d'évitement de précision de manière autonome. Les panneaux solaires sont inclinés vers le haut pour ne pas les endommager avec les éjections. A ce moment, la sonde spatiale est à 334 millions de kilomètres de la Terre : le signal radio met 18,5 minutes à parvenir jusqu'au contrôle au sol et si celui-ci envoie une commande en réaction à une information de la sonde, elle arrive au moins 37 minutes après l'envoi de cette dernière. Compte tenu de cette contrainte, toutes les opérations qui vont se dérouler sont donc menées de manière autonome par Osiris Rex. A 22H08 UTC, le bras robotisé télescopique touche la surface, pendant 5 à 6 secondes. Les précieux prélèvements capturés, la sonde s'éloigne de Bennu à 40 cm/s.
Du bras robotisé, les échantillons sont transférés dans une capsule en vue de leur retour sur terre. Cette étape est longue et laborieuse car chaque échange d'information avec la terre prend 37 mn. La capsule est scellée le 28 Octobre.
La fenêtre pour le retour sur terre est en Mai 2021. En attendant, Osiris continue ses observations depuis sont orbite autour de Bennu. Le 10 Mai, Osiris allume ses propulseurs pour prendre une trajectoire balistique qui lui fera croiser l'orbite de la terre en 2023. 4 heures avant d'atteindre la terre, la capsule d'échantillons sera larguée, Osiris effectuera une manœuvre pour éviter la terre et ira se placer sur une orbite héliocentrique stable (autour du soleil). Elle accomplira une autre mission, l’exploration de l'astéroïde Apophis en 2029. On aura l'occasion d'en reparler !
Pour la capsule, le retour sur terre est classique : bouclier thermique, parachute, atterrissage en douceur dans un désert de l'Utah au large de Salt Lake City le 24 Septembre 2023, soit 7 ans après son départ !
Quant aux précieux échantillons, leur analyse s'étalera sur 2 années, l'équipe d'Osiris Rex diffusera un catalogue fournissant suffisamment d'informations pour que la communauté scientifique puisse proposer des thèmes de recherche sur les prélèvements.
A ce jour (23Septembre) tout est nominal : Osiris Rex a brièvement allumé ses propulseurs pour se diriger vers la Terre, la mettant sur la bonne trajectoire pour libérer la précieuse capsule de retour d'échantillons à 102.000 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre.
En attendant le 24 septembre, vous pouvez déjà booker la date sur votre agenda et regarder le trailer ci-dessous ⤵️
Vous pourrez suivre l'évènement en live Dimanche 24 Septembre 2023 à partir de 15H55 (ou en replay) ⤵️
Michel Havez, Mai 2021.
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