Il reste 3 problèmes majeurs dans l'astrophysique :
l’impossibilité de concilier la relativité générale et la physique quantique,
l'énergie noire (dark energy),
la matière noire (dark matter).
L'énergie noire est responsable de l'accélération de l'expansion de l'univers (plus les galaxies sont éloignées, plus elles s'éloignent rapidement les unes des autres). Retrouvez mon article dédié ici.
L'énergie noire représente plus de 68 % de la masse totale de l'univers ! 😳
Mais aujourd'hui nous nous intéressons à la matière noire.
Contrairement à l'énergie noire qui exerce son influence à très grande échelle (les galaxies entre-elles), la matière noire exerce son influence seulement au sein des galaxies. Pour le dire autrement, elle n'a aucune influence à une échelle plus petite (étoiles, planètes) ni à échelle plus grande (amas de galaxies).
Tout commence en 1933 quand un astronome suisse 🇨🇭 : Fritz Zwicky étudie un amas constitué de 7 galaxies.
Il tente d'en mesurer la masse totale en utilisant 2 méthodes différentes (pour croiser ses résultats). Il découvre que les résultats de ses calculs en utilisant les lois de Newton diffèrent d'un facteur 400 des calculs de la 3ème loi de Kepler. Ce qui évidemment pose un sérieux problème, mais comme d'une part Zwicky a mauvaise réputation et un caractère de cochon et que d'autre part ses calculs sont sujets à une grande marge d'incertitude (les instruments de l'époque 🙄...) du coup sa découverte tombe à plat.
Un astronome américain 🇺🇸 : Sinclair Smith, parvient en 1936 à la même conclusion que Zwicky, cette fois avec une différence d'un facteur de 200 que Sinclair tente d'expliquer par la présence de matière entre les galaxies de l'amas. Mais à l'époque les astronomes se passionnent pour d'autres sujets (notamment l'expansion de l'univers) et là encore, les travaux de Sinclair tombent dans l'oubli.
En 1970 (oui oui, il ne se passe rien à ce sujet entre 1936 et 1970 !) une astronome américaine 🇺🇸 du nom de Vera Rubin travaille sur la rotation des galaxies spirales.
Elle observe que les étoiles situées en périphérie de la galaxie tournent plus vite que les étoiles proche du cœur !
Ce qui, en plus d'être inattendu, est complètement absurde !
Vous êtes perdus ? petite explication : les planètes tournent autour du soleil. Il est facile de comprendre que Mercure, la plus proche du soleil, fera plus vite le tour du soleil qu'Uranus, la plus éloignée. (Ça va plus vite de faire le tour de la tour Eiffel, même à pied, que le tour de France, même en voiture). Eh bien une galaxie c'est un rassemblement d'étoiles dont certaines sont plus proches du cœur que d'autres, et toutes tournent autour du cœur, comme les planètes autour du soleil. Il est donc logique de s'attendre à ce que les étoiles éloignées du cœur tournent plus lentement que celles qui en sont proche.
Mais Vera Rubin ne rêve pas, ses travaux sont un pavé dans la marre !
La courbe bleue représente les résultats attendus, mais Vera constate la courbe rouge.
Cette fois la découverte fait grand bruit et d'autres équipes internationales constatent et approuvent les travaux de Vera. Ici, la méthode fait fi des approximations des lois de Newton ou de Kepler utilisées par Zwicki et Sinclair.
Preuve supplémentaire venant confirmer les travaux de Vera Rubin, les résultats de la campagne d'observation du satellite Planck en 2018 ont confirmé que la matière baryonique (la matière ordinaire, connue) ne représente que 4.9 % de la masse de l'univers.
Rappelons que tout ce que nous appelons aujourd'hui "matière" est compris dans l'infographie ci-dessous : rayons gamma, rayons X, ultraviolet, lumière visible, infrarouge, micro-ondes et ondes radio.
Et aucune de ces matières connues à ce jour n'est capable d'expliquer pourquoi les étoiles tournent plus vite en périphérie des galaxies qu'en leur centre...
Alors quoi ? c'est tout ?
L'une des explications possibles serait d'imaginer qu'un immense halo de matière inconnue et bien sûr indétectable, qui n'a aucune interaction avec la matière connue aujourd'hui, entoure les galaxies. Ce halo serait si grand qu'il constituerait 90 % de la masse de la galaxie. Du coup, ce que l'on voit aujourd'hui d'une galaxie ne serait que la partie centrale, et "quelque chose" d'invisible et indétectable tournerait loin autour de la galaxie visible.
Cela revient à dire que toutes les étoiles visibles d'une galaxie, même celles situées à sa périphérie, ne sont pas « assez loin » du cœur pour être dans la partie descendante de la courbe bleue de rotation. Les étoiles périphériques, que l'on croyait en bas à droite de la courbe bleue seraient en fait en haut à gauche, sur le replat bleu.
Et, vous l'avez compris, c'est cette matière indétectable et invisible que l'on a nommé la matière noire.
Le camembert ci-dessous permet de prendre la mesure du chemin à parcourir pour résoudre les problèmes de matière et énergie noire. Oui, on ne connait et comprend que 4.9 % de la masse de l'univers. 95 % nous échappe !
Vous pensez que Vera Rubin a reçu un prix Nobel pour ses travaux qui allaient bientôt s'appeler matière noire ?
Bien qu'elle soit largement reconnue comme une figure clé dans ce domaine et malgré l'importance de ses découvertes, elle n'a jamais été récompensée par un Nobel, ce qui a suscité des critiques quant à la reconnaissance de la contribution des femmes en sciences.
En revanche, elle a reçu de nombreux autres prix prestigieux, comme la Médaille d'or de la Royal Astronomical Society en 1996, devenant la première femme à la recevoir depuis Caroline Herschel en 1828.
Après sa mort à 88 ans en 2016, un observatoire majeur a été nommé en son honneur : le Vera C. Rubin Observatory, destiné à apporter des réponses aux problèmes de l'énergie noire et la matière noire. Il devrait délivrer ses premières images en 2025.
Michel HAVEZ, Novembre 2024.
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