Les satellites envoyés dans l'espace peuvent occuper plusieurs orbites : l'orbite basse (de 350 à 2.000 km), l'orbite moyenne (entre 2.000 et 35.786 km) et l'orbite géostationnaire (jusqu'à 42.200 km).
Chacune de ces orbites a ses spécificités, un satellite n'aura pas la même orbite qu'un autre en fonction de ce que l'on attend de lui. Pour l'observation on va privilégier une orbite basse (comme l'ISS qui se trouve à 400 km et qui tourne à 28.000 km/h autour de la terre, 1 tour en 90 mn, soit 16 levers/couchers de soleil par 24H). Par contre si on veut faire de la télécommunication (TV par satellite par ex) il faut que le sat reste bien fixe toujours à la même place, on choisira donc l'orbite la plus haute : géostationnaire (GTO).
A ce jour, plus de 5.500 satellites tournent au dessus de nos têtes. Et les projets de méga constellations starlink, Kuiper et OneWeb ne vont pas arranger les choses. (plusieurs milliers de satellites rien qu'à eux 3, beaucoup plus que les 5.500 déjà existants). Parmi ces satellites en orbite, 17% ne fonctionnent plus. En 2018, il y a eu 28 manœuvres d'évitement (quand au moins l'un des 2 sat est manœuvrable) soit plus de 2/mois en moyenne.
Avec la multiplication des satellites envoyés en orbite, on accroit évidemment le risque de collisions. Qui dit collisions dit débris. Un débris, cela va d'un étage de fusée entier qui a servi à placer un sat en orbite et qui ayant rempli sa mission erre dans l'espace, à un éclat de peinture causé par une collision entre deux sat. Comment un éclat de peinture de quelques grammes peut-il représenter une menace ? Du fait des vitesses très élevées (28.000 km/h en orbite basse) l'énergie cinétique est énorme : un débris de 10 gr cause plus de dégâts qu'un véhicule d'une tonne percutant un mur à 100 km/H. Le blindage sur l'ISS est capable de résister à des débris jusqu'à 2 cm. Au delà : pschitt......
Mais étonnamment, la majorité des débris provient de démonstrations de force : 2007, les chinois détruisent volontairement un de leur sat à des fins de démonstration militaire. Idem en 2019 cette fois avec l'Inde. En 2009 c'est un satellite Iridium (Américain) qui croise l'orbite d'un sat Russe. Ambiance...
On dénombre 5.400 débris de plus d'1 m, 34.000 de plus de 10 cm (20.000 d'entre eux sont surveillés), 300.000 compris entre 1 cm et 10 cm et plusieurs dizaines de milliers de moins d'1 cm.
Plus de la moitié des débris de plus de 10 cm sont le résultat de collisions, même si le fait est rarissime. Tous ces débris sont essentiellement concentrés sur l'orbite basse.
Plus il y aura de satellites en orbite, plus il y aura de débris, plus il y aura de débris plus il y aura de collisions... On est sur une réaction en chaîne qui porte un nom : le syndrome de Kessler. Si un gros satellite venait à frapper l'ISS (voir le film Gravity), la quantité de débris générés rendraient l'orbite basse impraticable ! Autant vous dire que c'est le retour à l'âge de pierre pour nous : entre-autres : fini le GPS !
Quand on tente de visualiser la chose, on se la représente comme ça, mais cette visions est, heureusement, faussée :
Si le nombre de points représentés est à peu près réel, leur taille n'est pas du tout à l'échelle (ils seraient invisibles à cette échelle de la terre). Et l'espace est grand, très grand. Pour se représenter la chose, imaginez mentalement une boite à chaussures dont la hauteur et la largeur feraient 100 km et la longueur 1.000 km. Ça fait de grosses chaussures . Dans cette grosse boite (qui fait la longueur de la France) placez-y un objet de la taille d'un poing. Voilà, c'est la densité des débris spatiaux. On est très loin de la marre de débris qu'on imagine...
Quand on évoque les débris on a tendance à parler déchets, pollution et problème environnementaux. Mais il ne faut pas tout mélanger : on ne peut pas placer sur le même plan nos bouteilles plastique dans l'océan et les débris spatiaux. En l’occurrence, les débris spatiaux ne sont une menace pour aucune espèce ni aucun écosystème. Ils sont dans le vide de l'espace où rien ne vit. A part les astronautes à bord de l'ISS et pour eux en revanche c'est un risque sérieux (la station est blindée mais un débris de plus de 2 cm serait perforant. Des manœuvres d'évitement sont néanmoins possible).
Les débris ne restent pas éternellement en orbite (ni les satellites d'ailleurs), ils finissent par retomber plus ou moins vite (jusqu'à plusieurs dizaines d'années) selon leur orbite et se consumer dans l'atmosphère (comme les poubelles de l'ISS : tout brûle, il ne reste rien). Il faut vraiment que ce soient de très gros débris pour que des morceaux touchent la surface, en mer généralement (71% de la surface du globe). Mais est-ce ça ne pollue pas ces rentrées atmosphériques avec ces débris qui brûlent ? Ben si bien sûr : L'ensemble de la masse en orbite est de 8.000 tonnes. Ces 8.000 tonnes sont à mettre en face de la pollution terrestre, ne serait-ce qu'une marée noire qui se chiffre en plusieurs centaines de milliers de tonnes pour chaque marée noire, certaines ayant même dépassées le million. On est vraiment pas sur la même échelle. Quand aux étages entiers qui retombent à la mer (une centaine/an) c'est trop, bien sûr (SpaceX récupère déjà ses premiers étages et bientôt ses seconds) mais au moins les fusées ne sont pas ingérées par les baleines ou le plancton, contrairement aux 8 millions de tonnes de plastiques déversés dans l'océan chaque année... Toujours une question d'échelle.
La probabilité qu'un être humain soit blessé ou tué par un débris spatial est de une sur mille milliards. On a 1 million plus de risque d'être frappé par la foudre. Les débris spatiaux sont donc embêtants... dans l'espace.
A date, aucun pays au monde n'a de législation sur le nombre de sat max ou l'obligation de désorbiter. Mais cela va changer. L'arrivée des CubeSat (avec la miniaturisation de l'électronique, un satellite qui prenait la place d'un gros frigo prend aujourd'hui la place d'une boite à chaussures) et la multiplication des constellations Starlink, OneWeb et Kuipper, l'orbite basse est de plus en plus dense. Les entreprises réservent une quantité d'ergols dans leur sat pour les désorbiter lorsqu'ils arrivent en fin de vie. Mais pour les autres où c'est trop tard, des entreprises vont se lancer dans la récupération de satellites morts (avec un filet) pour les forcer à désorbiter.
A l'avenir, si les méga constellations de satellites se développent (on en est au début) il sera impossible de gérer les manœuvres d'évitement manuellement (redondance et anticipation). Il faudra donc confier cette tâche à une intelligence artificielle. Ce qui posera la responsabilité des opérateurs privés en cas de pépin.
Michel Havez, Avril 2021.
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